Publication du décret Hadopi sur la négligence caractérisée et le moyen de sécurisation
C’est lundi que la Hadopi dévoilera lors d’une conférence de presse l’agenda touchant à ses activités, « un point d’étape sur l’avancement opérationnel et réglementaire de l’Hadopi ». Au journal officiel du jour, les choses se sont visiblement accélérées : on y trouve le décret d’application très important définissant ce que sont la négligence caractérisée et le moyen de sécurisation. Le texte a été cosigné par le premier ministre, le garde des Sceaux et le ministère de la Culture.
Cette négligence caractérisée est celle qui, si elle est vérifiée, permettra à un juge de sanctionner d’une amende un abonné. Une peine accompagnée éventuellement par une suspension de l’accès à internet. Autant dire : le cœur du dispositif d’Hadopi.
Deux cas de négligence, deux conditions préalable liées au moyen de sécurisation
Ce texte est en deux parties. L’une définie les deux cas alternatifs qui permettent de vérifier s’il y a ou non négligence caractérisée. L’autre, une double condition cumulative préalable: que l’abonné se soit vu recommander par deux fois dans l’année la mise en œuvre d’un moyen de sécurisation.
Prévenir l’upload ou le download sur les réseaux P2P
Fait intéressant, le décret définit le moyen de sécurisation. C’est un moyen qui va « prévenir le renouvellement d’une utilisation de celui-ci à des fins de reproduction, de représentation ou de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ». Pour prévenir, on pourrait viser large et envisager un filtrage à la volée à partir d’une base d’œuvres protégées, mais nous ne sommes pas encore là… Seule possibilité : un verrou anti-P2P. Celui-ci prévient l’upload ou le download sur les réseaux P2P, puisqu’il coupe l’accès à ce secteur qui est le seul surveillé par TMG.
La non installation ou le mauvais usage
Reste à savoir si l’abonné a commis une négligence caractérisée dans la manipulation de ce moyen de sécurisation.
« Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime, pour la personne titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne (…) :
« 1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès ;
« 2° Soit d’avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen. »
Des définitions bien vagues
La définition est terriblement vague : elle définit la négligence caractérisée quand on n’a pas « mis en place » de « moyen de sécurisation » de l’accès. Autre hypothèse : quand on a mal mis en œuvre ce moyen. Le 1, vise l’installation. Le 2, la « diligence » dans l’utilisation de ce moyen.
C’est un glissement par rapport à ce qu’avait expliqué le gouvernement au Conseil constitutionnel dans Hadopi 1 : « il va de soi que la démonstration qu’un moyen de sécurisation a été utilisé pourra être effectuée par tout moyen (courriel reçu de la part du fournisseur d’accès, relevé d’état du système, attestation du gestionnaire de pare-feu…) et qu’elle ne portera que sur l’installation d’un tel système et pas sur la preuve que celui-ci aurait été activé à tout instant. »
Le motif légitime qui explique la négligence caractérisée
Dans tous les cas, c’est le juge et non l’Hadopi qui déterminera si les conditions sont réunies pour décider d’une contravention assortie d’une suspension éventuelle : un moyen de sécurisation qui permet de prévenir la contrefaçon, la non-installation ou le mauvais usage de ce moyen, signe d’une négligence caractérisée. Le décret laisse une dernière porte de sortie à l’abonné : quand l’abonné qui a fauté par négligence caractérisée, peut faire état d’un « motif légitime ». Ce motif sera à définir. Ce pourra être une absence (Christine Albanel l’avait dit à l’Assemblée nationale) ou n’importe quelle autre raison jugée « légitime ». Autant dire que ce décret soulève plus de questions qu’il n’en règle.
Article 1
Le chapitre V du titre III du livre III de la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle est complété par un article R. 335-5 ainsi rédigé :
« Art. R. 335-5. – I. ― Constitue une négligence caractérisée, punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime, pour la personne titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne, lorsque se trouvent réunies les conditions prévues au II :
« 1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès ;
« 2° Soit d’avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen.
« II. ― Les dispositions du I ne sont applicables que lorsque se trouvent réunies les deux conditions suivantes :
« 1° En application de l’article L. 331-25 et dans les formes prévues par cet article, le titulaire de l’accès s’est vu recommander par la commission de protection des droits de mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès permettant de prévenir le renouvellement d’une utilisation de celui-ci à des fins de reproduction, de représentation ou de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise ;
« 2° Dans l’année suivant la présentation de cette recommandation, cet accès est à nouveau utilisé aux fins mentionnées au 1° du présent II.
« III. ― Les personnes coupables de la contravention définie au I peuvent, en outre, être condamnées à la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne pour une durée maximale d’un mois, conformément aux dispositions de l’article L. 335-7-1. »
Article 2
Le présent décret est applicable sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception de la Polynésie française.
Article 3
La ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et le ministre de la culture et de la communication sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Source : PCInpact