C’était annoncé, c’est arrivé. Le procès de Vincent Valade, l’auteur du célèbre site de liens eDonkey eMule Paradise, s’ouvre ce lundi devant la 31ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le jeune homme qui avait 20 ans au moment des faits est soupçonné d’avoir permis le téléchargement de 7 113 films entre 2005 et 2006, par la diffusion de liens de téléchargements sur les réseaux P2P. Il est poursuivi par plusieurs producteurs audiovisuels dont Pathé, Universal, Galatée Films et le très procédurier Jean-Yves Lafesse.



L’homme risque gros. En principe, jusqu’à 3 ans de prison et 300.000 euros d’amende, auxquels pourraient venir s’ajouter au civil des demandes de dommages et intérêts qui promettent d’être lourds, très lourds. Selon l’enquête, le jeune homme aurait en effet touché 416 000 euros en recettes publicitaires sur 2 ans, et organisé son évasion fiscale en domiciliant ses comptes à Chypre et Belize.

Son agence publicitaire Net Avenir est elle-même appelée à la barre, et plaidera sans doute l’inconscience du caractère illicite de l’activité de son client. Une défense qui a marché par le passé pour d’autres régies, mais qui reste aléatoire.

De son côté, Emule Paradise pourra peut-être plaider l’absence de preuve. Tout dépend de la qualité du dossier d’instruction. Comme nous le révélions le mois dernier, l’auteur d’un site de liens P2P équivalent a été relaxé par le tribunal de grande instance d’Evry parce que le juge avait constaté que « le dossier de la procédure ne comporte pas la preuve d’un seul téléchargement illégal ». Or il ne peut y avoir complicité de contrefaçon s’il n’y a pas la preuve d’une contrefaçon. Il pourrait être également difficile d’argumenter qu’il y a la mise à disposition de l’oeuvre par un lien eDonkey s’il n’est pas démontré qu’il y avait bien au moins une source correspondant au lien.

Quelle que soit la conclusion du tribunal sur les arguments juridiques, qui primeront, reste que la condamnation de l’auteur d’eMule Paradise ne serait pas sans fondement sur un plan strictement moral. On peut défendre la libre circulation des oeuvres sur Internet sans pour autant soutenir la création d’un site à vocation commerciale qui exploite les oeuvres pour collecter de l’argent sans rémunérer les ayants droit. A Numerama, nous avons toujours été en faveur de la rémunération des créateurs. Mais jamais pour l’appropriation des oeuvres par leurs producteurs et/ou leurs auteurs, ni pour la création de sites de liens P2P illicites à but exclusivement lucratif.

Cependant, ces sites existent et rapportent des sommes importantes parce qu’ils répondent à un besoin que ne vient pas combler une offre légale très largement insuffisante. Qu’importe alors la morale ou la légalité. Condamner l’auteur d’eMule Paradise soulagera peut-être sur l’instant les ayants droit, mais sa condamnation ne tariera pas le besoin. Ca ne sera pas ni le premier, ni le dernier site condamné.

D’autres ont déjà depuis longtemps pris la relève, et d’autres continueront à le faire tant qu’une offre légale réellement abordable ne sera pas mise en place, ou tant qu’un mécanisme de rémunération du P2P (licence globale ?) ne sera pas enfin adopté. Dans cette dernière hypothèse, les sites comme eMule Paradise ne seraient enfin plus vus comme des vampires suçant le sang des ayants droit, mais comme de formidables prescripteurs qui font gagner de l’argent aux ayants droit en leur offrant une audience. Et qu’importera, alors, si eux aussi en gagnent au passage.




Source : Numerama




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