Hadopi 2 : Outre la suspension, n’oublions pas les 1500 euros d’amende
Un des aspects du mécanisme d’Hadopi est peut-être un peu trop passé inaperçu aux yeux des abonnés internet qui seront les premiers ciblés par Hadopi. Il concerne la négligence caractérisée, pierre angulaire de la loi Hadopi.
Le principe de la négligence caractérisée est l’une des deux batteries de missiles de la loi en question. On le sait, elle menace d’un mois de prison celui ou celle qui aura mal sécurisé son accès, plus exactement fait preuve de « négligence caractérisée ». Comme nous l’expliquions hier soir sur Oxyradio, nulle part dans la loi, ce terme n’est défini.
Au fil des discussions parlementaires, on a rapidement su que ce terme sanctionnerait une omission : celle de ne pas avoir installé le fameux « logiciel de sécurisation ». Mais c’est là un faux éclairage puisque sur ce logiciel en question, c’est le vide sidéral. Filtrage protocolaire, blocage d’informations… toutes les pistes et fantasmes sont ouverts (au-delà des considérations technopathogènes de Christine Albanel – le « firewall d’Open Office »)
Mais… il y a un point à ne pas oublier et sur lequel nous souhaitons revenir ici : cette sanction – suspendre d’Internet l’abonné pendant un mois – est accessoire à une autre sanction : une contravention de 5e classe.
Là, pas de doute : cela signifie que l’internaute pourra se voir infliger 1500 euros d’amende… en plus de la suspension. « Il s’agit de punir une négligence commise par le titulaire d’un contrat l’abonnement à internet » a expliqué laconiquement le Conseil constitutionnel, le doigt sur le texte Hadopi. Dans sa faible marge de manœuvre, le gardien de la Constitution a exigé trois conditions pour infliger cette sanction à double baffe:
1. La « négligence caractérisée » devra être un des éléments constitutifs de l’infraction (en plus d’autres éléments)
2. La peine complémentaire de suspension à Internet devra être spécialement prévue par le décret pour cette contravention
3. Le prévenu devra avoir été préalablement destinataire d’un avertissement adressé par la commission de protection des droits de la HADOPI
En couplant la suspension avec l’amende, dire que ce texte n’est pas répressif est un mensonge. Et dire que ce texte s’occupe également de l’offre légale, en est un autre…
Le Conseil constitutionnel n’a pu se pencher plus en avant sur ce texte, et n’aura su reproduire toute l’envergure d’Hadopi 1. Pourquoi ? Car les juristes de la rue de Valois – Olivier Henrard en tête – ont coupé les cheveux en quatre pour ranger cette infraction de « négligence caractérisée » dans le tiroir des textes réglementaires. Et plus dans celle de la loi.
Par cette astuce catégorielle, la négligence caractérisée est entrée dans la compétence du juge administratif en échappant du même coup à celle du juge constitutionnel. Voilà pourquoi le juge constitutionnel n’a pu en dire plus et donc pourquoi c’est devant le Conseil d’État que le débat continuera.
C’est, dit simplement le juge constitutionnel, « au vu de l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction qu’il pourra être jugé si le dispositif institué porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines, au principe de nécessité des peines et à la présomption d’innocence ». Une manière de passer la patate bouillante au juge administratif, avait-on déjà commenté.
Toute l’épineuse question aujourd’hui sera de savoir comment sera rédigé ce texte réglementaire. Le moindre incident rédactionnel pourra se traduire par une atteinte à la présomption d’innocence, au principe de légalité des délits et des peines ou de la nécessité des peines, sanctionné par le Conseil d’État. Dans tous les cas, nous souhaitons bien du plaisir aux auteurs du texte.
Source : PCInpact.