Dossier : Notre vie sous surveillance
Tous fliqués ? Sans doute nous ne vivons pas encore dans un monde totalitaire, sous le contrôle permanent d’un « Œil Global » qui observerait tout de notre vie, nos moindres gestes jusqu’à nos pensées les plus intimes, traquerait nos ultimes déviances et nous inciterait à suivre les règles les plus élémentaires, elles-mêmes dictées par un cyber-pouvoir intouchable et virtuel… La fiction – telle que George Orwell nous la promettait à l’horizon de 1984 – n’a toujours pas rattrapé la réalité du XXIe siècle. Et nous en sommes assurément heureux.
Mais l’extension des contrôles en tous genres, la multiplication des fichiers, leurs diverses connexions, l’implantation de caméras vidéo et de radars, la prolifération des puces informatiques, les outils extraordinaires que constituent Internet et les satellites, autant dire toutes les applications des nouvelles technologies tisse autour de notre modeste vie privée une toile sans limite, plus sûre et implacable que les espions de papa et autres plombiers du « Canard Enchaîné ».
À ce propos, sachons que les écoutes téléphoniques et les interceptions de mails ont été multipliées par quatre en l’espace de sept ans, et que la police peut demander aux opérateurs de téléphonie mobile des informations sur les SMS de nos portables – qui contacte qui, où et quand. En outre, un projet de loi, débattu en fin d’année, permettrait à la police d’entrer dans les ordinateurs sans le consentement des intéressés, afin d’« observer », « collecter », « enregistrer », ou « conserver » d’éventuelles informations – et quel que soit l’utilisateur, simple citoyen, mais aussi médecin, journaliste ou avocat.
Bien entendu, ce genre de flicage sans frontière, autorisé dans le cadre d’une information judiciaire et donc sous le contrôle d’un magistrat, constitue d’abord un nouvel outil de lutte contre le crime – en conséquence, il part d’un bon sentiment : cerner le pédophile, le terroriste ou le serial killer. Mais la tentation de toute police, sa propension à tout savoir, tout consigner, porte en elle-même d’évidentes dérives : comment résister, Monsieur Vidocq, aux beaux joujoux de la technologie ?
Depuis le 11-septembre 2001, aux États-Unis d’abord, puis dans la plupart des pays occidentaux, la menace terroriste est devenue la priorité des pouvoirs, tantôt à juste titre, tantôt de manière obsessionnelle, si bien que, peu à peu, nos démocraties se sont installées dans une douce escalade sécuritaire qui ronge sans le dire les mailles de nos libertés individuelles. Une course au contrôle tous azimuts s’est engagée, et, sous le prétexte légitime qu’un État doit protéger ses citoyens, des lois ont été votées, d’autres le seront, elles traquent nos déviances, grandes ou petites, vitesse au volant et taux d’alcoolémie…
Mais qu’en sera-t-il demain d’un tel cyber-flicage ? Et dans vingt ans ? – Et lorsque toutes ces informations « personnelles » tomberont aux mains d’officines privées ?….
Trop tard sans doute. Notre vie se passe sous surveillance. Les « Experts » sont déjà là.
Source : Jean Claude SOULERY pour la Dépèche du Midi.
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