Deezer tente de résister face à Universal Music

Universal Music a porté plainte contre Deezer, pour exploitation illégale de son catalogue. Le succès du site de streaming, dopé depuis qu’Orange a pris 11 %, n’y serait pas étranger.

Ce n’est pas un scoop : les négociations entre Deezer, le premier site européen de streaming, et Universal Music, première maison de disque, sont et ont toujours été très compliquées. Universal Music vient d’assigner Deezer au tribunal. Motif : Deezer diffuse depuis janvier dernier le catalogue d’Universal alors qu’il n’aurait plus de contrat.

Deezer, dont Orange détient 11 %, estime que le sujet n’est pas là. Depuis janvier, les deux groupes discutent, mais n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente. D’où l’assignation. Deezer estime surtout qu’Universal veut le contraindre à limiter à cinq fois l’écoute d’un même titre, comme c’est le cas sur Spotify… Qui vient de nouer un partenariat avec SFR, autre filiale du groupe Vivendi. Faute de se soumettre, Deezer, serait privé de l’accès à son catalogue. Impensable, alors que le catalogue d’Universal représente 30 % de l’audience du site. Et Deezer, qui a 6 millions de visiteurs uniques par mois, ne veut se soumettre aux mêmes restrictions que Spotify qui en compte 300.000. Il est vrai que le succès de Deezer a de quoi faire des jaloux : depuis qu’Orange a pris 11 % du capital en août dernier et inclut l’accès à Deezer dans plusieurs de ses forfaits mobiles, le site a engrangé plus d’un million de clients. Orange se déclarait hier encore «très très satisfait» de ce partenariat.

«On est complètement d’accord avec Universal sur la nécessité d’améliorer la conversion du gratuit vers le payant. Mais le débat est de savoir quelle est la meilleure méthode pour y parvenir, explique Axel Dauchez, PDG de Deezer. L’heure n’est plus au dogmatisme mais au pragmatisme. Universal souhaite imposer un système unique c’est-à-dire l’écoute limitée à cinq fois par titre. Cela nous parait dangereux car les utilisateurs n’auront plus accès à leurs playlists». Deezer souhaite tester un autre système : il vient de limiter à 5 heures par mois l’écoute gratuite, mais sans limitation sur un même titre. Au delà, l’utilisateur est obligé de s’abonner pour profiter du service.

Axel Dauchez tente désormais d’être le «good guy» qui calme le jeu. Il n’a pas le choix. Orange, qui a investit plusieurs dizaines de millions d’euros dans le site, met la pression. «La limitation de l’écoute gratuite à cinq heures est déjà une prise de risque énorme pour Deezer. Les réactions des internautes sont très violentes. En échange, nous avons quand même le droit de tester des modèles alternatifs pour convertir le gratuit au payant. En conservant l’écoute gratuite pour les petits utilisateurs occasionnels, nous préparons la croissance de demain», poursuit Axel Dauchez. Universel, leader du secteur, a les moyens de faire entendre ses desiderata. Mais, il ne doit pas oublier que les sites de streaming sont aussi son meilleur rempart contre le piratage.

«Les business modèles se cherchent encore dans la musique en ligne. L’histoire va s’écrire dans les deux ans à venir, observe Virginie Lazès, du cabinet Brian Garnier. Les enjeux sont considérables sur le marché de la musique, qui est tombé de 40 à 20 milliards d’euros par an. Mais devrait repartir à la hausse», conclut-elle.

Source : LeFigaro